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Se prémunir des risques liés à l'évasion sociale et fiscale

Les prestations effectuées en France par un résident fiscal français sont par principe soumises à charges et cotisation en France.

Risques évasion

La question

Un salarié français qui réside en France et qui exécute en France une prestation en portage salarial (le cas échéant pour une entreprise cliente ou une plateforme dont le siège est basé à l’étranger) peut-il demander à son EPS de lui verser son salaire sur un compte bancaire situé à l’étranger, notamment aux fins de :

  • Echapper aux règles d’assujettissement au régime français de sécurité sociale ;
  • Echapper aux règles d’assujettissement à l’impôt sur le revenu ;
  • Bénéficier des dispositions propres aux salariés détachés ?

Les règles posées par la sécurité sociale

Le système français de sécurité sociale repose sur un principe de territorialité en vertu duquel, sauf exceptions, lorsqu’une activité (salariée ou non) est exercée sur le territoire français, la législation de sécurité sociale française est applicable 1.

S’agissant des prestations effectuées au sein d’un ou plusieurs des Etats membres de la Communauté Européenne, les règles suivantes 2 sont applicables :

  • La personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre 3 ;
  • La personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre 4.

Ce règlement européen prévoit également les cas spécifiques des salariés recrutés dans le seul but d’être détachés 5 ou de ceux qui exercent normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres (pluriactivité) 6.

Si l’entreprise cliente est située en dehors de l’Union Européenne (y compris au Royaume-Uni), elle doit notamment fournir :

  • les documents exigés des entreprises établies dans l’Union Européenne ;
  • son numéro de TVA intracommunautaire (ou, si elle n’est pas tenue d’avoir un tel numéro, un document mentionnant son identité et son adresse ou, le cas échéant, les coordonnées de son représentant fiscal ponctuel en France) ;
  • un document attestant de la régularité de sa situation à l’égard du règlement européen portant sur la coordination des systèmes de Sécurité sociale.

A défaut, l’EPS et/ou l’entreprise au profit de laquelle la prestation finale est exécutée risquent notamment de voir leur solidarité financière recherchée en cas de non-paiement des charges et cotisations.

Les règles posées en droit fiscal

Lorsque la résidence fiscale du salarié porté est en France et que la source de ses salaires est également en France (pays dans lequel est exercé sa prestation en portage salarial), alors sa situation est « franco-française » : les revenus qu’il tire de son activité en portage salarial doivent être déclarés et soumis à l’impôt en France.

D’éventuelles conventions fiscales ne s’appliquent que pour les salaires du secteur privé que si la situation est franco-étrangère (c’est à dire si la résidence fiscale est dans un des deux états et l’activité du salarié dans l’autre état). Une étude au cas par cas doit alors être réalisée.

Quelques-uns des risques encourus par l’EPS

  • Un risque à l’égard du salarié porté, qui pourrait solliciter le versement de dommages-intérêts pour défaut de versement des cotisations auprès des caisses françaises (pour perte d’indemnité maladie ou de pension de retraite) 7 ;
  • Un risque pénal, notamment de qualification de travail dissimulé ;
  • Un risque URSSAF, de redressement au titre des cotisations non-réglées, avec des majorations de retard (5 % du montant des cotisations auxquels s’ajoute une majoration complémentaire de 0,2 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé à compter de la date d’exigibilité des cotisations et contributions) et pénalités (jusqu’à 10% du montant des cotisations) ;
  • Un risque de sanctions administratives, dont l’interdiction de concourir à des marchés publics ;
  • Un risque sur le patrimoine des dirigeants de l’EPS : l’entrepreneur qui se soustrait volontairement au paiement de cotisations sociales 8 ou de l’impôt 9 en France peut être déclaré coupable de banqueroute.

La bonne pratique

Lorsque le salarié porté réside en France et exécute sa prestation en portage salarial sur le territoire français, alors les législations fiscales et de sécurité sociale française sont applicables.

Le salaire doit être déclaré et payé en France.

Sources

  1. Article L.111-2-2 du Code de la sécurité sociale. En pratique, la législation de sécurité sociale française est applicable dès lors :
    1. qu’une activité est exercée sur le territoire français pour le compte d’un ou de plusieurs employeurs, ayant ou non un établissement en France, sauf exception prévue par une disposition d’un accord international ou d’un règlement européen ;
    2. qu’une activité est réalisée en dehors du territoire français mais pour laquelle un accord international ou un règlement européen prévoit l’application de la législation française.
  2. Règlement n°883/2004 du 29 avril 2004 et au règlement n°987/2009 du 16 septembre 2009
  3. Article 11.3 a du règlement n°883/2004
  4. Article 12.1 du règlement n°883/2004, et à la condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne détachée
  5. Article 14.1 du règlement n°883/2004 : Une « personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache dans un autre État membre » peut être une personne recrutée en vue de son détachement dans un autre État membre, à condition qu’elle soit juste avant le début de son activité salariée déjà soumise à la législation de l’Etat membre dans lequel est établi son employeur
  6. Article 13.1 du règlement n°883/2004. Cette personne est soumise :
    1. à la législation de l’État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre ; ou
    2. si elle n’exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l’Etat membre de résidence :
      1. à la législation de l’État membre dans lequel l’entreprise ou l’employeur a son siège social ou son siège d’exploitation, si cette personne est salariée par une entreprise ou un employeur ; ou
      2. à la législation de l’État membre dans lequel les entreprises ou les employeurs ont leur siège social ou leur siège d’exploitation si cette personne est salariée par deux ou plusieurs entreprises ou employeurs qui n’ont leur siège social ou leur siège d’exploitation que dans un seul État membre; ou
      3. à la législation de l’État membre autre que l’État membre de résidence, dans lequel l’entreprise ou l’employeur a son siège social ou son siège d’exploitation, si cette personne est salariée par deux ou plusieurs entreprises ou employeurs qui ont leur siège social ou leur siège d’exploitation dans deux États membres dont un est l’État membre de résidence; ou
      4. à la législation de l’État membre de résidence si cette personne est salariée par deux ou plusieurs entreprises ou employeurs, dont deux au moins ont leur siège social ou leur siège d’exploitation dans différents États membres autres que l’État membre de résidence
  7. Cass. soc., 7 juin 2007RJS 12/07 n° 1322
  8. Cass. crim., 1 février 2023, n° 22-82.368
  9. Cass. com., 29 avril 2014 RJDA 7/14 n° 659